Je me réveille en sursaut ce matin croyant avoir entendu des pleurs d’enfants. Ce n’était qu’un rêve. Je referme doucement les yeux revenant à la triste réalité. Ma main se glisse doucement contre l’oreiller et la place vide à me côté puis se crispe. L’endroit est vide, comme toujours depuis un moment à présent. Depuis que Lucy m’a laissé, je n’ai plus goût à la vie. J’ai l’impression que plus rien ne vaut le coup. Je n’apprécie même plus les petits plaisirs du quotidien. Je méprise chaque réjouissance des autres. Je les méprise. Pourquoi ont-ils le droit d’aimer alors que le sort s’acharne sur moi ? Eux sont heureux alors que moi je crève de désespoir. Après la mort prématuré de notre enfant, Lucy n’a plus souris malgré mes efforts. J’étais dans la même situation qu’elle a présent si ce n’est que je n’avais personne pour me soutenir ou m’aider. J’avais gagné le pays des Kangourous dans l’espoir de retrouver ma petite sœur. L’idée me plaisait autant qu’elle m’effrayait. Si toutes les personnes a qui je tenais devaient mourir, je préférais rayer les sentiments de mon quotidien. J’avais eu assez de départ dans ma vie : ma mère, ma sœur, mon enfant, ma chère et tendre. J’avais également perdu mon père très jeune mais cette perte n’était pas de grandes importances pour même. Je ne voulais pas causer la mort de quelqu’un. Peut-être avais-je la poisse, peut-être étais-je le sujet d’une malédiction. Toutes ces questions ne feraient pas revenir les êtres qui me manquent. Il fallait donc trouver un peu de force pour se lever et pour continuer d’avancer, tant bien que mal. C’est donc difficilement que je me tire du lit de la chambre d’hôtel où je dors depuis quelques temps. J’ai quitté l’Alaska pour l’Australie, espérant retrouver la dernière personne qui pouvait encore compté pour moi.

Sydney est un endroit affreux. On meurt continuellement de chaud, on ne comprend rien à ce que les gens racontent, la vie est chère et il y a beaucoup trop de monde. Si je suis là c’est parce que j’ai une chance de retrouver ma petite sœur. Ma mère a fait une erreur en l’abandonnant et elle est la dernière personne qui puisse encore me sortir la tête de l’eau après toutes ces morts. Je suis à bout de force, à bout de souffle, à bout de tout. J’ai l’impression que mon cœur lui-même est fatigué de battre. Mon Dieu, si tu existes, libère moi… libère moi de ce cœur qui en a assez de battre, de ses poumons qui ne veulent plus de ton air. Laisse moi les retrouver, laisse moi être heureux, au moins un peu. Je soupire largement et file sous la douche. Un regard dans le miroir en sortant. J’ai toujours cette mine affreuse, sans sourire aucun. D’ailleurs, je ne sais même plus sourire, comme le pourrais-je. Rien ne me réjouis. Les jours ne ressemblent à rien, ils sont vides, silencieux et sans joie aucune. Mon monde autrefois si beau, si joyeux n’est plus à présent que ténèbres et noir… Je vois le mal de partout mais je ne peux pas faire autrement, je n’y arrive plus. La vue d’enfant me trouble, dire que j’aurais pu être l’un de ses parents qui regarde, sourire aux lèvres, son enfant s’épanouir… J’enfile un jean, une tee-shirt rien et une petite veste rien de plus. Rien ne sert de se couvrir dans cette ville, même si depuis la départ de ma douce j’ai froid, froid la nuit comme le jour… Je descends les marches de l’escalier, le regard bas, comme toujours. Je gagne les rues, pleines d’inconnu qui pourtant me rappelle Lucy d’une manière ou d’une autre. Elle m’a laissé seul, seul avec ma compagnie. J’avais perdu mon guide, ma lumière, mon tout. Moi j’avais trop peur de mourir… Mourir sans elle. Pourtant, aujourd’hui, lorsque j’étais assis sur les bancs dans un parc ou sur la plage, je n’attendais qu’elle, la grande faucheuse. Les pensées se bousculaient dans mon esprit, comme souvent. Il y a quelques semaines j’avais été dans un salon de tatouage et depuis on peut lire « I’m lost » sur ma taille.

Je marche sans but, sans destination. J’erre dans les rues, gardant l’espoir de trouver cette Louanne. Je soupire avant de pousser la porte d’un café. Je balaye la salle du regard, pas grand monde. Mais elle est là, elle. Celle qui me regarde et qui détourne les yeux rapidement, celle qui devient plus pâle, enfin si c’est possible, quand elle pose son regard sur moi, celle qui semble gênée par ma présence alors que je ne lui ai jamais dit un mot. Trop tard pour faire demi-tour. Je m’assis à une table légèrement à l’écart, pour l’observer un peu. La serveuse s’adresse à moi, grand sourire charmeur. Elle peut arrêter son cirque, personne n’y est parvenu auparavant, ce n’est pas elle qui arrivera à me tirer Lulu de l’esprit. Ce sera donc un café merci c’est tout. Un flot de questions s’invita dans ma pensée. A quoi cette demoiselle pouvait bien penser en me voyant. Peut-être se demandait-elle si j’étais réellement en vie alors que j’avais une tête de déterré. Je bois mon café tranquillement et la regarde s’affairer derrière son écran. La serveuse la rejoint et elle lève la tête croisant mon regard. Même cinéma, elle semble plus blanche et détourne rapidement ses yeux. Ces derniers débordent de souffrance, de mal être et d’un cruel besoin d’aide. Elle a dû souffrir autant que moi si ce n’est plus. J’inspire un grand coup et me lève, la tasse à la main. Je prends la place en face de celle de la jeune femme et ne dit rien pendant de longues secondes. Mes lèvres finissent tout de même par articuler quelques mots.

- pacey.

Nouveau silence, pesant et semblant ne plus vouloir s’arrêter. Je bois une gorgée, en silence. Ne pas voir ses yeux ce jour là m’angoisse. J’ai tout de même eu la chance de les apercevoir une ou deux fois. Grande inspiration et on est reparti avec une main dans les cheveux.

- laisse moi te poser une seule question et je te laisserais tranquille ensuite. Pourquoi à chacune de nos rencontres es-tu si étrange...